pEt si le vrai défi de la Défense en Europe n’était pas technologique mais culturel ?
Et si, derrière les discours sur la souveraineté, la résilience et les coopérations industrielles, se cachait une difficulté plus profonde : celle de changer de Monde ?
Les leaders du secteur – Thales, Safran, Dassault, KNDS, … ont porté à un haut niveau la grandeur de la puissance technologique et du génie industriel français. Mais ce Monde historique, forgé sur des logiques nationales, des délais longs et des relations État-industrie bien rodées, était un Monde somme toute assez « confortable ».
Aujourd’hui, l’Europe réclame une Défense plus agile, plus coopérative, plus ouverte à des écosystèmes transfrontaliers, capables de répondre aux menaces hybrides, à l’IA générative et à la guerre cognitive.
Ce que l’on attend désormais n’est plus seulement de concevoir des avions ou des capteurs : c’est d’orchestrer des effets opérationnels conjoints, dans un cadre européen. C’est aussi d’assurer le passage d’une production artisanale, quelques unités par mois à des cadences industrielles sans perdre en qualité et sécurité. C’est aussi gérer cette montée en production avec des Etats qui parlent parfois plus qu’ils ne payent ?
Comment passer d’une excellence technique, « entre soi » à une économie de défense européenne qui impose le respect sans le bouclier US ?.
L’enjeu ? Le Monde actuel ne le permet pas.
Il valorise encore la verticalité, les silos, le « chacun pour soi », voire une forme d’élitisme technique coupé du besoin des tranchées ! Il produit de la stratégie… qui échoue à s’exécuter. Il fatigue les équipes, refroidit les alliés et fait fuir les jeunes talents.
Changer de Monde, c’est intégrer en profondeur que les règles du jeu ont changé.
C’est construire un Monde de coopération, où la grandeur se mesure à la capacité de co-construction, d’agilité, de synchronisation avec les autres industriels et les besoins du terrain. Un Monde où la reconnaissance ne vient plus seulement du nombre de brevets ou de trophées mais de la vitesse à délivrer un impact opérationnel décisif, en associant durée des programmes et contexte tactique en perpétuel changement.
C’est ce que l’Europe attend, ce que nous attendons, pour nous et les générations suivantes. Et c’est ce que les leaders du secteur devront incarner s’ils veulent rester maîtres de leur destin.
Alors, prêts pour un nouveau Monde Défense ?
Laurent Dugas