Écrit par l'équipe P-Val

La carrière d’entraineur de Fabien Galthié n’a pas été un long fleuve tranquille !

En club, il a souvent démarré par des succès probants au Stade Français, avec Montpellier MHR, puis le RCT Toulon. Mais ces expériences se sont souvent finies avec un goût amer, viré par des dirigeants avec qui il ne parvenait pas à coopérer (il faut dire que coopérer avec des Présidents aux personnalités aussi tranchées que Mohamed Atrad ou Mourad Boudjellal est certainement très complexe !).

Au-delà des clubs, Fabien Galthié a toujours rêvé d’entrainer l’équipe de France et il l’a fait savoir. Il a pourtant été recalé en 2008, puis 2012 puis en 2015. D’autres entraineurs lui sont préférés sans raisons objectives. Son approche rationnelle, exigeante, froide dénote dans un milieu très domestique qui fonctionne à l’affectif, sur des relations personnelles « claniques ». Dépité, il annonce dans les médias que c’est terminé, qu’il renonce au XV de France. « Il était tombé de haut. Il a toujours couru après le poste de sélectionneur mais n’a jamais été l’élu. Son nom circulait toujours en coulisses, mais il n’a jamais fait l’unanimité au niveau politique. Ça ne l’intéressait pas, il ne fait pas de lobbying, donc il n’a pas les bons appuis politiques », décrypte Landreau, l’un de ses fidèles adjoints.

Jusqu’à ce jour de printemps 2019 ou il reçoit un coup de fil de Bernard Laporte. En décembre 2017, le nouveau président de la FFR avait limogé Guy Novès et appelé son ami Jacques Brunel à la rescousse. Mais le XV de France ne gagnait toujours pas. Il propose alors à son ancien capitaine le deal suivant : intégrer le staff tricolore pour la Coupe du monde à venir avant de prendre seul les rênes de la sélection après la compétition (admirez le savoir-faire politique de Bernard Laporte pour faire rentrer le « Loup dans la bergerie » malgré les oppositions !). Echaudé, Fabien hésite, puis accepte. C’est SA chance, il se doit de la saisir.

L’apprentissage de la Coopération

Son parcours semé d’embuches lui a fait comprendre qu’il ne pouvait pas réussir seul, aussi compétent soit-il. Il va avoir besoin des autres, de tous les autres. Mais il doit innover pour trouver sa méthode de coopération.

Il sait qu’il ne peut pas le faire en mode domestique, en négociant des accords de circonstances. C’est au-dessus de ses forces. Il va le faire avec méthode, avec un esprit « industriel » pour aligner les acteurs, les événements sur sa fameuse « Flèche du Temps ».

Première pierre d’une coopération réussie ? Fédérer des acteurs divergents sur un objectif ambitieux et fédérateur. L’objectif s’impose “Gagner la coupe du Monde en 2024 en France”. « Supportez-moi (dans tous les sens du terme) pendant 4 ans. Après basta ! ».

Mais il ne s’agit pas seulement d’annoncer cet objectif, il faut le rendre désirable pour tous.

  • Analyser les moteurs et freins, le Monde des parties prenante Il faut décliner cet objectif sur ce qu’il rapporte en termes de bénéfices pour chacun : la fédération, les clubs, leur dirigeants, les professionnels, les amateurs, les collectivités locales, …
  • Démontrer progressivement sa crédibilité. Cela veut dire avoir une stratégie précise dans la durée. Produire des résultats pour remonter dans le classement international. Ancrer une culture de la victoire « industrielle », prévisible, réplicable, à l’encontre de cette « logique de l’honneur » gauloise, théorisée par Pascal d’Iribarne, qui nous permet de réaliser les plus grands exploits puis de retomber ensuite dans nos travers.
  • Faire admettre que ces bénéfices ont un prix à payer. Pour les Clubs professionnels, ce sera de mettre leurs meilleurs joueurs à disposition de l’équipe de France, régulièrement, sur des périodes longues. Cela à un coût réel pour les clubs qui doivent embaucher des “doublons”, prendre le risque d’avoir moins de spectateurs, risquer de perdre des points au classement, …Il a fallu des trésors de patience et d’argumentation pour les convaincre que c’était le juste prix à payer et que ce qui était bon pour l’équipe de France était aussi bon pour les clubs à moyen terme. Comme pour toute coopération durable, il s’agit de démontrer que la balance Bénéfices – Coûts est positive.
  • Assumer clairement le niveau d’exigence de l’accord visé entre les parties. Fabien ne construit pas des accords du type « petits arrangements en amis », ni même des “passerelles – processus de fonctionnement”. Non, il veut un accord “global”. Son exigence le pousse à embarquer son équipe et tous ceux autour dans un Monde commun. Dans ce Monde Commun, les sujets se résolvent facilement car tous sont dans la même aventure. Les retombées seront pour tous. C’est tout le rugby français qui aura progressé.

Alors bien sûr c’est « à la fin de la foire que l’on compte les bouses ». Il s’agit maintenant de gagner cette coupe du monde … enfin !

Update : la France a perdue d’un point face à l’Afrique du Sud. Ce qui prouve que la préparation n’est pas tout et qu’il faut se surpasser le jour J et que les ballons de rugby sont ovales avec des rebonds capricieux … comme les crises que nous devons traiter dans la vraie vie professionnelle !

Au cœur de cette coopération il est essentiel de comprendre le MONDE de Fabien Galthié.

La grille des 6 Mondes nous guide.

Déjà, éliminons le Monde Domestique qui n’est pas son pilier et qui a été pour lui source de nombreuses déconvenues. Fabien se protège de l’affectif, des renvois d’ascenseur.

Seule la performance doit être juge. Il est un Industriel du Rugby. Il veut tout aligner sur sa flèche du temps. Prévoir chaque étape, avec des plans B. Il mesure tout et utilise les données pour ne pas rester sur des flous impressionnistes. Mais ce Monde Industriel n’est pas une fin en soi, ce n’est pas une justification technocratique.

Il est d’abord bien tenu en laisse par le Monde Marchand. Il faut gagner, être pragmatique, sanctionner vite ce qui ne fonctionne pas, sans état d’âme ou idéologie. Gagner est primordial : c’est le but de cette coopération : gagner la coupe du Monde. Mais Fabien ne veut pas faire un coup, agir avec opportunisme. Il est convaincu de son approche industrielle, c’est elle qui permettra d’arriver au but. Et même si le résultat n’est pas là, il sait qu’il aura tout mis en œuvre pour y arriver et que ces fondations seront solides pour rejouer le coup plus tard.

Ensuite ce qui ressort fortement de toutes les communications de l’entraineur de l’équipe de France c’est sa recherche de l’Inspiration. Il est ouvert à tout ce qui va permettre de gagner. Il cherche toujours à avoir un coup d’avance « il pense le rugby de 2030 ». Il veut que son équipe vive une aventure unique, qu’elle se dépasse, qu’elle soit « inspirée » par un idéal de victoire certes, mais aussi surtout de vécu commun, de valeurs communes. Le sens de l’action est clé pour lui. C’est pourquoi il choisit son petit village de Montgesty pour se ressourcer, réfléchir avec son équipe et même, hérésie médiatique, lancer son plan de communication.

Cette exigence de sens lui permet de réguler les conflits, comme la sélection des joueurs qui fait forcément des heureux et des déçus ou les tentatives des clubs pour négocier des calendriers moins contraignants, sans se défausser sur des arguties. Ce qui compte c’est le projet, la finalité, plus forte que les états d’âme personnels ou collectifs. Le Monde Civique, la recherche d’un « bien commun » qui dépasse les enjeux personnels ou privés, est au cœur de son fonctionnement.

Enfin, le Monde de l’Opinion. Ce n’est pas sa tasse de thé. S’il pouvait s’en protéger, il le ferait avec plaisir. Mais il a beaucoup évolué et il a – enfin – compris que c’était un levier majeur de la coopération pour convaincre, faire adhérer. Il n’a pas le pouvoir hiérarchique (n’oublions pas le rôle majeur de Bernard Laporte à ses côtés, qui lui, est un homme de pouvoir), donc il faut autre chose : écouter, expliquer, convaincre. Comme il le fait avec des racines solides, les Mondes actionnés plus haut, sa communication a un impact très fort, elle est cohérente et durable. C’est tellement rare aujourd’hui qu’avec peu il obtient beaucoup.

 

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Le Monde de Fabien Galthié ⏫

Voici donc visuellement le radar que nous pouvons dessiner. Les participants de nos Hackathons Coopération pourront constater qu’il n’est pas très éloigné de celui que nous avons modélisé pour l’ISS (International Space Station). Avec la différence qu’il est plus marchand cependant.

Ce Monde de Fabien été pour lui une construction patiente. La lecture de son parcours montre qu’il a beaucoup évolué. Il n’était pas Industriel à ses débuts, plus intuitif et empirique, « Inspiration et Marchand ». Il a développé cela. Il s’est détaché du Monde Domestique, des relations affectives, pour se protéger des humiliations vécues. Pourtant il a su garder une dimension émotionnelle forte, acceptée “ Chalureau va sans doute pleurer en conférence de presse” eh bien oui c’est normal, acceptons cela pour en faire une force pour lui et pour le collectif. Pour trouver cet équilibre, il s’est construit en développant son Monde Civique, en approfondissant le besoin d’avoir un sens collectif, partagé qui dépasse les intérêts particuliers. Il a fait de son point faible l’Opinion, un point fort. Même ses lunettes noires de « soudeur », qui lui permettent de cacher sa timidité, sont devenus un élément clé de son image de marque !

Pour nous tous, l’exemple de Fabien est la confirmation que notre Monde est malléable. Il est ce que nous voulons en faire : nos représentations de ce qui est important dépendent de la manière dont nous traitons les stimuli extérieurs. L’enjeu est de construire l’adéquation personnelle entre ces stimuli et notre histoire, notre personnalité.

Au-delà de la visualisation utile mais « rustique » sur nos 6 Mondes de références, c’est l’alchimie entre eux qui est importante.  Ce qui me frappe d’ailleurs dans le Monde de Fabien c’est sa cohérence, chacune des dimensions Mondes renforce l’autre. C’est ce qui lui donne sa force.

Dans les entretiens 1/1 de débriefing de vos Mondes personnels, nous essayons de partager quelques clés pour vous développer dans la coopération, comme par exemple prendre conscience que Marchand et Civique peuvent former un attelage puissant, ou que le Monde de l’Opinion est un levier clé pour entrer en relation avec des Mondes éloignés du votre, au-delà de tout enjeu d’ego.

Laurent Dugas

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