Un responsable des achats peut-il être un acheteur responsable ?
Décembre 2020
Concrètement, il reçoit des injonctions contradictoires d’une DG qui lui demande d’être le relais d’une politique RSE, sans relâcher les objectifs de réduction de coût, qui eux sont bien ancrés dans son fonctionnement historique. Comment sortir de ce paradoxe et quelles solutions efficaces lui proposer ?
Des injonctions contradictoires
Une politique d’achats responsables se traduit invariablement par l’entrée en relation avec de nouveaux fournisseurs qui doivent passer sous les fourches caudines de la Direction des achats. Les candidats sont souvent des fournisseurs locaux, de taille réduite, sans réseau international, présentant une dépendance plus forte avec l’entreprise : les contraintes sont nombreuses qui viennent heurter frontalement les critères historiques des acheteurs relayant la pression de la Direction financière et de la DG. Ces critères sont alignés avec les objectifs stratégiques de l’entreprise : contrôle strict des coûts, réduction des risques opérationnels, négociation de contrats globaux, etc. Les jeunes pousses de l’économie durable répondent rarement à ces critères et peinent à faire effectivement du business.
Un Monde civique centré sur le critère prix
Très civique, le Monde de la Direction des achats s’est construit autour de règles strictes et de procédures centrées sur le prix :
- sa Grandeur est dans la recherche de leviers ayant un impact direct sur la « botom line »
- sa Reconnaissance vient de la Direction Générale, en fonction de la réalisation d’objectifs d’économie chiffrés,
- son critère de Décision est principalement la « bottom line », outillée par des critères de massification, de confiance (« a déjà travaillé pour nous »), …
- les Interactions se traduisent par une négociation très transactionnelle avec les fournisseurs sur des délais, des quantités, des prix.
Acheter de manière durable et responsable passe par la définition d’un nouveau Monde, une manière cohérente de penser, décider et agir en faveur des achats durables et responsables, en tenant les objectifs de performance et d’impact positif :
- la Grandeur est dans le fait d’aider de jeunes pousses de l’économie solidaire à « grandir » pour se rapprocher de critères de performances économiques et à démontrer que cet effort crée aussi de la valeur business,
- la Reconnaissance est toujours donnée par la DG, sur la base d’une contribution non seulement à la bottom-line mais à l’attractivité de l’entreprise,
- les Décisions sont fondées sur la démonstration progressive que cette coopération est créatrice d’une valeur durable,
- les Interactions sont régies par une coopération pour définir des chemins et des critères qui permettent à l’écosystème de « fabriquer » des fournisseurs « champions du RSE ».
Martial Rouyère