Écrit par l'équipe P-Val


Brûlant hier, le deal Fiat Renault est devenu glacial en quelques heures cette nuit : c’est encore une histoire de Mondes qui s’entrechoquent.

La grille d’analyse Monde que nous utilisons dans les phases de Due Diligence et de Post-Merger permet de décrypter facilement le choc des deux Mondes en présence :

D’un côté le Monde dit « capitaliste », celui de l’entreprise privée qui a des actionnaires, des clients, des produits, des collaborateurs. Renault, Fiat-Chrysler et Nissan. En effet, si l’accord de Renault et Fiat était le socle, Nissan s’est abstenu pour ne pas bloquer le processus tout en se laissant une marge de manœuvre pour la suite. C’est un Monde « Marchand » qui décide vite, avec un nombre réduit de décideurs qui sont directement impactés par le deal.

De l’autre côté le Monde « étatique », celui de l’état français qui croit toujours qu’il a un rôle positif à jouer dans ce type de deal. Cela malgré la somme de contre-exemples. Par exemple, au sein même de Renault avec le rôle fanfaron du précédent ministre des Finances qui s’est terminé en abandon de pouvoir au Conseil d’Administration de Nissan. Ce Monde est incapable de décider vite car il doit mobiliser beaucoup trop de Mondes :

  • Monde de l’Opinion : « qu’en pensera l’opinion publique ? »
  • Monde Domestique : « et mon pouvoir de chef, que je sois Ministre, Président, haut fonctionnaire ? Si je ne l’exerce pas je ne suis plus rien « 
  • Monde de l’Inspiration : « est-ce une belle idée d’énarque ? »
  • Monde Civique : « que dit l’intérêt collectif, que disent les règlements ? »

Bref, trop de critères disparates, trop de décideurs et des décideurs qui ne sont pas directement impactés par le deal.

Il faut du temps, toujours plus de temps. Il faut consulter, toujours plus consulter. Ainsi Bruno Le Maire, archétype de ce Monde étatique, pensait sérieusement qu’il allait résoudre le problème en allant au Japon, pour en parler à son homologue, qui lui a déjà dit que Nissan n’était pas son affaire à lui ?

Je pense que Bruno Le Maire n’a pas soupçonné un seul instant que Fiat claquerait la porte 30′ après son refus de voter la résolution. Cela ne peut pas se concevoir dans son Monde à lui.

Quel enseignement à notre humble niveau de Manager ?

  • Un seul : un Monde trop complexe, sans focalisation, est par nature incapable de décider vite et clairement, incapable de mobiliser une organisation dans la durée.
  • Donc simplifiez, clarifiez, alignez votre Monde pour en faire une machine de guerre efficace et fuyez la complexité, la dialectique qui dit que tout est dans tout et inversement.
  • Et dans une négociation, pensez toujours au Monde de l’autre. Comment pense-t-il et agit-il ? Comment va-t-il traduire dans son propre Monde vos paroles et votre action ?
  • Enfin, relisez l’excellent message sur la prise de décision par Carlos Tavares. Tiens, un possible futur partenaire de Fiat qui lui saurait décider rapidement ?

Laurent Dugas

Les Echos décrivent bien le déroulé du dernier Conseil d’Administration.

 

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