Écrit par l'équipe P-Val

1940, Bataille de France

« Au fond, l’État-Major ressemble à un joueur de bridge que l’on interrogerait d’une pièce voisine :

– Que dois-je faire de ma dame de pique ?

L’isolé hausserait les épaules. N’ayant rien vu du jeu, que répondrait-il ?

Mais un État-Major n’a pas le droit de hausser les épaules. S’il contrôle encore quelques éléments, il doit les faire agir pour les garder en main, et pour tenter toutes les chances, tant que dure la guerre. Bien qu’en aveugle, il doit agir, et faire agir.

Mais il est difficile d’attribuer un rôle, au hasard, à une dame de pique… On croit le vaincu submergé par un torrent de problèmes, usant jusqu’à la corde, pour les résoudre, son infanterie, son artillerie, ses tanks, ses avions… Mais la défaite escamote d’abord les problèmes. On ne connaît plus rien du jeu. On ne sait à quoi employer les avions, les tanks, la dame de pique… On la jette au hasard sur la table, après s’être creusé la tête pour lui découvrir un rôle efficace. Le malaise règne, et non la fièvre. La victoire organise, la victoire bâtit. Et chacun s’essouffle à porter ses pierres.

Mais la défaite fait tremper les hommes, dans une atmosphère d’incohérence, d’ennui, et, par-dessus tout, de futilité. Car d’abord elles sont futiles, les missions exigées de nous. Chaque jour plus futiles. Plus sanglantes et plus futiles. Ceux qui donnent des ordres n’ont d’autres ressources, pour s’opposer à un glissement de montagne, que de jeter leurs derniers atouts sur la table »

 

Ce beau texte de Saint Exupéry qui exprime son ressenti personnel comme pilote d’avion en guerre est, toute proportion gardée, celui de nombreux managers terrains quand leur entreprise subit une crise pour des causes externes ou internes. Ils s’interrogent sur les injonctions qui tombent de la Direction qui voudrait faire en 3 mois ce qui n’a pas été fait en 3 ans, cela en coupant à la hache dans les budgets.

La Direction générale est peut alors être dans un état d’esprit proche de celui de l’Etat Major décrit par Saint Exupéry. Il faut « faire quelque chose, vite, pour rassurer les actionnaires, les clients … ».

Il y a parfois un effet vertueux : ce qui était « impossible » avant, devient possible du jour au lendemain.

Il y a plus souvent le début d’une glissade sans fin. On agit de manière désordonnée en oubliant toute stratégie, on coupe les coûts au plus vite en rabotant partout, tout en n’ayant plus les moyens d’investir aux endroits décisifs. Le sujet peut être global sur l’entreprise ou plus circonscrit à un domaine précis. Cela peut concerner la réponse à un appel d’offres de plusieurs centaines de millions que l’on se sent en train de perdre, le lancement d’un produit en urgence pour contrer une concurrence, une opération de fusion acquisition qui ne se déroule pas comme prévu…

J’ai trouvé remarquable le travail fait par le commandant en chef de l’armée ukrainienne, chef d’état-major de l’armée ukrainienne, Valeri Zaloujny, qui a pris le temps de la réflexion pour expliciter sa pensée et porter un diagnostic sans concession sur l’avancée de la guerre avec la Russie. Son analyse a été critiquée de tout bord, plus sur la forme que sur le fond « il ne faut pas dire cela ». Et bien si, justement, il faut se confronter à la réalité et porter un diagnostic raisonné plutôt que jeter ses dernières forces dans la bataille en niant les faits.

 

Mettons-nous quelques instants, modestement, à sa place. Imaginez la pression que cet homme subit depuis le 27 juillet 2021. Comment parvient-t-il à prendre du recul, sans céder à l’agitation futile ?

Ce général, reconnu pour sa capacité à s’adapter à des champs de bataille qui changent très rapidement, dit « la clé ici, ce sont les principes. Les changements doivent intervenir principalement dans la vision large de l’environnement et l’attitude à l’égard des personnes. Je voudrais que vous tourniez votre visage vers les gens, vers vos subordonnés. Mon attitude envers les gens n’a pas changé au cours de mon service ».

Cette approche donne à Zaloujny une stabilité, une verticalité qui le protège du futile.

Pour cela, il faut avoir fait l’effort de clarifier précisément son Monde, c’est-à-dire le champ de force qui structure ses valeurs sur nos 4 items qui se nourrissent et se renforcent mutuellement : Grandeur Reconnaissance, Interactions, Décision.

Les dirigeants qui cèdent à la « futilité «  décrite par Saint Exupéry sont ceux qui n’ont pas construit solidement leur Monde. J’accompagne des dirigeants de grandes entreprises à développer leurs talents de Créateur d’un Monde auquel leurs parties prenantes veulent appartenir. L’essentiel de mon travail, celui de P-VAL, est de les guider dans ce travail de fondation.

Laurent

photo ld médaillon

Envie d’en savoir plus ? Contactez-nous !